Que vivent la thonaille et la petite pêche de Méditerranée française

Motion signée par Pêche et Développement, Coordination des pêcheurs de l’Etang de Berre et de la Région, UIPMPM (Union Intersyndicale des Petits Métiers de Pêche Méditerranéenne) et les Prud’homies méditerranéennes d’Antibes, Bandol, Cannes, Carqueiranne, Grau d’Agde, Gruissan, La Seyne sur mer, Martigues, Palavas, Saint-Raphaêl, Salins d’Hyères (section de Toulon), Sanary.

Ils sont 60 bateaux répartis sur notre littoral, entre Port-Vendres et Menton, une des branches dynamiques de ce qui reste de la petite pêche méditerranéenne française : 2.500 pêcheurs sur les 18.000 pêcheurs français quand l’Espagne comptabilise 55.800 pêcheurs, l’Italie 42.000

De mai à  octobre, avec des bateaux un peu plus grands (10-18m) que les traditionnels pointus, ils s’éloignent des côtes pour pêcher au filet maillant des thons, parfois des germons, des espadons, de grandes castagnoles ; une pêche rentable opérée au large quand le littoral se peuple de navires de plaisance.

Rien à  redire contre ce métier qui procure un produit d’excellente qualité, sans décimer les stocks (300 tonnes par an pour 35 à  60 bateaux) ([Les poissons font 21 kg en moyenne (14/30 kg). Pas de pêche sur les zones de frayères. Par comparaison, les apports déclarés sont de 6200 t pour 34 senneurs.)] , sans nuire à  l’environnement (Pêche très sélective, capture quasi-exceptionnelle de dauphins (l’espèce pléthorique de dauphins bleus et blancs), pas de capture d’espèces protégées (tortue, oiseaux), aucun rapport avec certaines techniques industrielles de capture de thons ou certaines pratiques intensives de filets dérivants telles qu’elles se pratiquaient dans le Pacifique.). Tous ceux qui l’ont observé de près  » scientifiques, environnementalistes  » sont unanimes : « On n’a rien contre la thonaille ‘. De là  à  l’affirmer publiquement « C’est un problème politique Il n’est pas question de revenir contre l’interdiction de filets dérivants qui constitue une victoire médiatique des environnementalistes ‘. A cela il faut ajouter un mélange des genres avec des pratiques industrielles, la crainte d’un précédent qui ouvrirait une brèche à  d’autres pêches dommageables pour les mammifères marins, le travail en sous-main de lobbies concurrents

En attendant la Commission Européenne peine à  accorder un statut à  ces filets à  thons « qui ne dérivent pas ‘ comme l’ont montré ces pêcheurs. Pas de statut pour la thonaille : pas d’exception prévue pour le moment par l’ICCAT pour des captures inférieures à  30 kgs comme c’est le cas pour d’autres pêches ([L’ICCAT (ou CICTA : Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique) prévoit un statut dérogatoire pour les canneurs, les ligneurs, ou pour la capture en Mer Adriatique de thons destinés à  l’élevage. )]. Et le métier reste une cible médiatique qui sert à  masquer d’autres intérêts : la semaine dernière, une association environnementaliste américaine, Océana, n’a eu de cesse d’harceler les bateaux en pêche au risque de provoquer une collision et en refusant tout contact radio ([ L’an dernier, cette même association a diffusé un rapport sur la thonaille en refusant tout contact avec la profession. )]. Excédés, les pêcheurs ont fini par encercler le bateau afin d’obliger le capitaine à  s’expliquer. Celui-ci a retrouvé sa voix pour appeler à  l’aide sur le canal 16

Exemplaire dans sa démarche ([Avec l’appui financier des collectivités locales, la Coordination des thonailleurs a su initier une étude et un suivi scientifiques, expérimenter et utiliser des répulsifs bien avant que cette pratique ne se généralise, encadrer la flottille (permis de pêche spécial, déclaration de capture, limitation des longueurs de filets et des temps de sortie), adopter un moratoire d’un mois sur la zone du Sanctuaire pour les mammifères marins en mer ligurienne (période où les petits dauphins naviguent en tous sens et pourraient se faire prendre), organiser un recours juridique devant l’Union Européenne. Par souci de transparence, la Coordination des thonailleurs répond à  toutes les questions, transmet les données scientifiques, organise l’embarquement d’observateurs
)
], cette petite communauté interpelle aujourd’hui tous ceux « environnementalistes, scientifiques, politiques – qui par leur silence ou leurs décisions vont construire l’avenir :

– Va-t-on, contre le bon sens, interdire un métier séculaire pour des calculs politiques et médiatiques qui restent conjoncturels ?
– Que dire d’une Europe qui ne pourrait concevoir des pêcheries régionales spécifiques, bien gérées et bien encadrées, et qui suivrait sans discernement les lobbies productivistes ou médiatiques ?
– Si la thonaille devait être définitivement interdite, que fera t-on des thonailleurs ? Laissera t-on cet effort de pêche se reporter sur le littoral et risquer une pression accrue et dommageable sur d’autres espèces et sur des territoires souvent exigus ? Ou alors va-t-on prendre la décision de sabrer, à  coups d’indemnités, un pan essentiel de cette petite pêche méditerranéenne pour laisser la place  » toute la place  » à  l’industrie des loisirs nautiques et à  la pêche industrielle ?
– Sans la veille des pêcheurs professionnels sur l’eau, qui alertera sur les dommages causés à  l’environnement marin ?

Guerre d’usure contre ces hommes qui résistent depuis 9 ans pour sauver leur métier, le temps est une arme redoutable puisqu’il entame notre capacité à  réagir face à  une question récurrente. Que dire d’une humanité lassée qui ne saurait revenir sur des positions injustes, des principes mal établis ?

Ce contenu a été publié dans Thon rouge. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.