Nos outils de gestion sont les reflets de notre vision du monde et des échanges

Dérèglement climatique, crise alimentaire, crise financière, conflits sociaux sont les signes de faillite d’un système qui fonde les échanges sur la base de produits compétitifs sans considération des hommes et des territoires qui les produisent.

Construire des échanges à  partir de la compétitivité de communautés ou de régions permet de préserver nos relations humaines, nos rapports à  l’environnement, nos cultures.

Plutôt qu’une vision Nord-Sud, simpliste et déstructurante, qui favorise l’échange de produits transformés contre des matières premières, et dans laquelle toute pêche artisanale est vouée à  disparaître dans les pays du Nord, il nous faut construire des échanges basés sur la compétitivité d’espaces régionaux spécialisés et réinterroger la place de toute activité, dont la pêche, au sein de ces régions : activité de subsistance, secteur d’emploi, activité génératrice de valeurs appréciées par le chiffre d’affaire, les salaires dégagés ou les bénéfices collectifs.

Ainsi par exemple la petite pêche de Méditerranée française a longtemps permis à  des communautés de pêcheurs de vivre de leur activité sur le littoral. Notons au passage que les règles collectives des prud’homies de pêcheurs ont permis d’intégrer différentes vagues d’immigration tout en préservant les territoires.

Aujourd’hui, ce secteur devrait être considéré du point de vue de sa contribution à  une spécialisation multisectorielle littorale, celle-ci prenant sa place au sein d’un marché européen en construction.

Dans ce cas précis, la petite pêche n’est plus appréciée par son chiffre d’affaire global, la valeur des emplois, mais par le fait qu’elle participe activement à  la spécialisation touristique et résidentielle :
– apports de qualité et d’extrême fraîcheur,
– image et richesse d’un ancrage culturel,
– rôle de veille sur l’eau,
– préservation de l’environnement

Sur ce dernier point, les bénéfices collectifs des actions menées par une poignée d’hommes sont considérables : création d’aires marines, implantation de récifs artificiels, alerte et actions juridiques pour la préservation de zones littorales, repeuplement, sensibilisation et participation aux schémas d’aménagement par les communautés de pêcheurs.

Encore faut-il que les outils de gestion des pêches conçus aux niveaux européen et national puissent s’adapter à  des gestions locales qui favorisent la diversité des métiers et l’utilisation alternative des engins par des pêcheurs polyvalents, cette diversité étant le moyen essentiel de préserver la biodiversité et de s’adapter aux écosystèmes littoraux spécifiques. Actuellement, les droits de pêche entiers et individuels (licences, quotas), la gestion par métier ou par stock avec des interdictions strictes d’engins (petits arts traînants, filets dérivants) conviennent à  des pêches industrielles ou intensives, spécialisées dans un ou deux métiers. Il nous faut considérer des droits d’usage gérés par les communautés de pêcheurs : limites techniques et réglementation des engins dans le temps et dans l’espace, répartition des postes de pêche par la collectivité. Plus largement, les modes de recherche, de consultation, d’accès à  l’information et aux financements ne sont pas adaptés à  la pêche artisanale.

Collectif Pêche et développement Antenne Méditerranée.

Paru dans les « Droits du jour ‘ n°7 du 17/10/2008
Newsletter de la Société civile à  la conférence
de la FAO sur la pêche à  petite échelle

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