A qui appartiennent la ressource marine et les zones de pêches ? – Que peut-on attendre d’une recherche renouvelée ?

A qui appartiennent la ressource marine et les zones de pêches ?

Le Livre Vert sur la pêche pose la question des « quotas individuels transférables », un outil de « privatisation » de la ressource marine avant sa capture, soit encore une forme de privatisation du vivant. A qui appartiennent la ressource marine, et les zones de pêche, si ce n’est aux contribuables ?

– Fut un temps où ces deux composantes étaient dédiées aux communautés de pêcheurs pour leur permettre de vivre tout en approvisionnant nos marchés. En Méditerranée, cette forme-là  s’est imposée jusque dans les années soixante. Les Prud’homies de pêche étant chargées d’organiser la répartition des droits d’usage entre les membres de la communauté de manière à  éviter les conflits et permettre à  chacun de vivre de son métier tout en en laissant pour ses enfants… Soit un développement « durable » avant la lettre.

– Vint le temps du productivisme où ressource marine et zones de pêche furent attribuées aux unités les plus modernes ? La gestion d’une répartition de l’effort de pêche entre équipements relativement équivalents fit place à  une gestion de la compétitivité fondée sur l’innovation technologique. Avec pour corolaire, à  propos d’une ressource limitée, la surcapacité des flottilles.

– Aujourd’hui, ressource marine et zones de pêche doivent être protégées pour les générations futures, et partagées entre de multiples acteurs. La question de leur allocation se pose à  nouveau. Doit-on les privatiser ? Et si oui, de quelle manière ? Par des outils financiers accessibles aux grands armements, avec le risque que ces propriétés passent aux mains de sociétés internationales, voire extra-européennes ? Quel intérêt pour les contribuables régionaux, français, européens de voir leurs richesses s’envoler ?

Que peut-on attendre d’une recherche « renouvelée » ?

Lors de la réunion de Rochefort, les chercheurs ont souligné la nécessité de renouveler leur activité pour considérer :
– relations entre espèces
– relations espèces – environnement et climat
– des modèles écosystémiques
– l’état de santé des écosystèmes (définition de critères)
– des analyses à  grande échelle et sur longue durée

A propos d’une démarche écosystémique, ils expliquent qu’elle doit s’appuyer sur l’environnement dans son ensemble : les relations proies-prédateurs, les impacts (destruction des frayères, extraction de granulat, pollutions, changements climatiques), ainsi que les différents usages des écosystèmes maritimes (conservation de la biodiversité, rôle de régulation par rapport au climat, épuration des eaux, tourisme, pêche).

Et ils en tirent la conclusion immédiate que l’intégration de ces nouvelles variables dans leurs modèles se traduira nécessairement par de nouvelles règles pour minimiser l’impact de la pêche sur les écosystèmes, soit ipso facto une réduction de l’effort de pêche par la casse de nouveaux bateaux, ou la répartition de l’effort de pêche au sein des flottilles existantes…

Sur le plan environnemental, l’on aimerait voir appréhender :
– l’impact des pollutions marines sur la chaîne alimentaire dont 80% viennent de la terre, et les moyens d’y remédier,
– l’impact des pollutions et autres actions sur le plancton qui est à  la base de la chaîne alimentaire. Sachant qu’un relâcher intempestif de barrage peut éradiquer sprats, sardines et anchois à  l’échelle du Golfe du Morbihan depuis 30 ans, l’on peut se rendre compte de l’importance de cette question…
– l’impact du prélèvement massif des espèces fourrages sur la chaîne alimentaire sachant qu’il représente 1/3 des captures mondiales et 1/5ème des captures européennes
– l’évaluation des captures massives de la pêche industrielle et leur impact en termes de rejets, rythme de captures…
– les moyens d’accroitre la richesse biologique marine : gestions littorales, cultures marines, opérations de repeuplements, implantations de récifs…

Aux niveaux économique, social, culturel, environnemental, l’on aimerait voir discuter du choix de mode de développement. Continue t-on à  partir d’une situation héritée d’un développement productiviste à  privilégier implicitement les unités les plus modernes, et les grands armements, ou cherche t-on à  construire la compétitivité de territoires régionaux avec des spécialisations multisectorielles ? Dans ce dernier cas, la question est-elle toujours d’évaluer le « maximum de captures » pour assurer le renouvellement de la ressource et des écosystèmes ou d’apprécier l’apport des différentes flottilles à  la spécialisation régionale, leur cohérence régionale, les moyens de les adapter, les conditions de leur pérennité ? Y aurait-il un objectif « neutre » qui consisterait à  observer de grandes pêcheries par zones géographiques et à  raisonner par « quantités globales » (effort de pêche global, hectares de zones protégées, tonnages débarqués, chiffre d’affaire global ?…) ou faut-il construire de nouveaux indicateurs relativement à  des économies régionales spécifiques ?

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NB : Lors de cette journée, des exposés intéressants ont permis de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit la réforme de la PCP : « La PCP est incluse dans une « Politique Maritime Intégrée ‘ et une « Stratégie pour le milieu marin ‘ qui comprend la pêche, le transport, la protection de biodiversité, la condition des marins, la pollution Cela suppose également la mise en place et la participation de l’UE dans les organisations internationales des pêches. Le Traité de Lisbonne introduit un changement dans les processus décisionnels puisque le Parlement est associé au Conseil pour les décisions… »

Ci-après, un compte-rendu de la réunion qui s’inspire en partie du compte-rendu rédigé par le Comité local des pêches du Guilvinec, et qui n’est ni exhaustif, ni officiel.

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