L’augmentation des gaz à  effet de serre dans l’atmosphère pourrait avoir de lourdes conséquences sur la culture des huîtres d’Arcachon et de Marennes-Oléron

La vie des ostréiculteurs n’est pas un estuaire tranquille ! En témoignent les épisodiques interdictions, pour raisons sanitaires, de vente de leur récolte auxquelles ils sont confrontés. Et il se pourrait bien que les conséquences de l’augmentation, dans l’atmosphère, du volume des gaz à  effet de serre, responsables du dérèglement climatique, n’arrangent pas leurs affaires au fil du siècle.

Océans plus acides

Si les études sur la question restent encore à  approfondir, l’acidification des eaux océaniques risque de bouleverser les pratiques ostréicoles. Jean-Pierre Gattuso, chercheur au CNRS de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes) s’est penché, avec son confrère Frédéric Gazeau, sur ce problème.

« L’acidification des océans résulte de l’accroissement, par l’homme, des rejets en gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère, explique-t-il. On constate que les océans sont 30 % plus acides qu’en 1800. Et on estime que cette acidité aura triplé en 2100 par rapport à  1800. Chaque jour, plus de 25 millions de tonnes de gaz carbonique se combinent avec l’eau de mer, la rendant plus acide. ‘ Du coup, le métabolisme de l’huître s’en trouve affecté. « Les mollusques ont besoin, pour leur équilibre, de calcaire et de carbonate, poursuit le scientifique. Le premier est présent en grande quantité dans la mer, ce qui n’est pas le cas du second. Or, l’excès de gaz carbonique, responsable de l’acidité, s’attaque au carbonate. En conséquence, les huîtres cultivées en France deviennent plus fragiles ; elles deviennent donc plus petites et plus vulnérables, à  cause des micro-organismes susceptibles de percer leur coquille. ‘

De là  à  conclure que la mortalité importante des huîtres, constatée récemment par les ostréiculteurs, est liée à  ce phénomène, il n’y a qu’un pas, que se garde de franchir Jean-Pierre Gattuso. « Les expériences que j’ai effectuées l’ont été en laboratoire. Nous ne disposons toujours pas d’études faites sur le terrain. Donc, nous n’avons pas la certitude que nos résultats peuvent être transposés dans le milieu océanique. ‘ Son confrère de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) Stéphane Pouvreau demeure lui aussi très prudent. « Il faudrait avoir du recul et des statistiques sur trente ans au niveau du suivi de l’acidification, mais ce sont des études qui sont longues et très coà’teuses. ‘

Toutefois, « si les prévisions les plus alarmistes du Groupe intergouvernemental de l’étude du climat (Giec) se vérifient, il y a un véritable risque, concède-t-il. Mais il y a d’autres problèmes concernant les huîtres, bien plus préoccupants. ‘

Des bassins plus chauds

De fait, l’acidification des eaux d’Arcachon et de Marennes-Oléron, dans lesquelles se reproduisent naturellement les huîtres, n’inquiète pas, pour l’heure, les ostréiculteurs. Ceux-ci s’interrogent davantage sur l’élévation de la température des eaux.

« L’eau se réchauffe sous l’effet des hivers moins rigoureux. Donc, la température baisse de moins en moins, ce qui accroît les phénomènes de mortalité ‘, interprète François Patsouris, président de la Section conchylicole Poitou-Charentes.

La hausse de la température des eaux est en effet sensible : ces vingt dernières années, les eaux du bassin de Marennes-Oléron se sont réchauffées de 1,5°. Et il est rare, désormais, que celles du bassin d’Arcachon, en hiver, soient inférieures à  9 degrés. « Les variations climatiques tendent à  déséquilibrer un peu plus l’écosystème estuarien ‘, constate dans son étude Patrick Soletchnik, chercheur à  l’Ifremer. « Les mortalités d’huîtres creuses apparaissent ces deux dernières décennies, alors que cette espèce a été importée sur le littoral français depuis la fin des années 60. ‘

D’autre part, si la hausse des températures marines a un impact sur le cycle de reproduction de l’huître et son développement, est-il possible que cela accroisse la prolifération de micro-algues qui rendent ces mollusques impropres à  la consommation ? « De nouvelles familles de toxines se sont développées au fil du temps ‘, note Marc Mortureux, directeur de l’Agence française pour la surveillance sanitaire des aliments (Afssa). « Elles viennent de micro-algues qui se multiplient lors de périodes dites d’efflorescence, entre avril et aoà’t. L’évolution des écosystèmes marins, liée à  l’activité humaine et au réchauffement climatique, joue un rôle. ‘ (1)

Montée des eaux

Autre conséquence possible, et non des moindres, du dérèglement climatique sur l’ostréiculture : la montée des eaux. Une perspective qui, selon Jean-Charles Mauviot, le directeur de la Section régionale conchylicole Aquitaine, est déjà  perceptible. « Nous avons eu une alerte à  Lanton (33), dernièrement. Si ça monte, cela va poser des problèmes considérables au niveau des infrastructures de travail. Avec une élévation de 50 centimètres, ce sera la catastrophe. ‘

Dans son rapport livré en septembre, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique notait que l’élévation des eaux sur le littoral français, au cours du siècle, serait comprise entre 50 centimètres et 1 mètre, « son ampleur dépendant du rythme de la fonte de la calotte glacière ‘.

(1) Pour plus de détails, lire « Sud Ouest ‘ du 17 septembre.
Auteur : Sébastien darsy

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