Requin taupe : quota zéro !

Voilà  la nouvelle équation que la Commission Européenne pose aux pêcheurs de requin-taupes. L’explication de texte est difficile à  faire :
– « Total Admissible de Capture (TAC) » nul veut dire interdiction de pêcher. Or pour compter un Total, il ne faut pas ajouter que des zéros ;
– Pour le rendre « Admissible », il faut qu’il y ait concertation, sinon on parle de décision imposée
– Pour dire « Capture » il faut qu’il y ait un stock et une juste évaluation des prises sur ce stock.

Quelle est la portée d’une telle décision ?

Elle s’applique à  6 bateaux, tous de l’île d’Yeu, qui pratiquent ce métier depuis plus de 50 ans, avec les mêmes techniques de pêche et les mêmes moyens. Le tonnage de taupes pêché s’élève, bon an mal an à  300 t, et le poisson vendu sous le nom de veau de mer est entièrement consommé. Cette pêche est saisonnière ; c’est une pêche spécifique, qui utilise des palangres , technique hautement sélective, qui couvre un secteur géographique important, à  terre comme au large et qui se limite à  2 ou 3 mois au printemps.

Economiquement, les bateaux qui pratiquent ce métier trouvent là  un tiers de leur chiffre d’affaires annuel et cette interdiction de pêcher va encore plus pénaliser des entreprises artisanales dans un contexte déjà  très difficile.

Dans cette pêche spécifique les captures annexes sont peu nombreuses. Elle répond donc aux préoccupations de respect de l’environnement et de la conservation des espèces.

L’interdiction de pêcher cette espèce en pêche principale ne s’appliquera pas aux taupes pêchées en prises annexes par les grands palangriers du large

Ainsi, les pêcheurs d’espadon, qui pêchent toute l’année, pourront débarquer des taupes puisque ce seront des prises annexes. Elles ne seront pas comptabilisées. L’effet pervers de cette mesure fait que les tonnages alors débarqués peuvent être très supérieurs aux 300 t visées par le TAC nul.

Une décision injuste et arbitraire qui pénalise des insulaires, un faux enjeu médiatique

Les pêcheurs de l’île d’Yeu, les seuls à  pratiquer cette pêche en France, pour qui cette activité est traditionnelle et rémunératrice s’insurgent donc contre cette décision injuste, qui ne repose sur aucune analyse sérieuse et qui relève de l’arbitraire.

De plus la mesure est politiquement incorrecte quand on voit dans les traités européens les déclarations d’intentions concernant les petits territoires insulaires, les aides économiques à  leur apporter pour leur permettre de surmonter leurs handicaps. Par cette décision, l’on prive la dernière île à  avoir une activité de pêche propre, autonome et structurée, et un droit de pêche sur une espèce qu’elle ne met pas en danger.

C’est une mesure spectaculaire avec une résonance médiatique qui donne bonne conscience aux environnementalistes et qui néglige les réalités humaines et économiques locales. Une situation grotesque que Bruno Noury, maire de l’île d’Yeu résumait ainsi :  » C’est comme si l’on accusait les derniers des mohicans, chasseurs de bisons avec arc et flèches, d’être responsables de la disparition de l’espèce dans la grande prairie« .

Il y a urgence…

Que vont faire ces bateaux ? Il y a urgence. La saison de soles est terminée, le merlu, présent dans le golfe et surpêché par les espagnols, est à  des prix insuffisants, et la saison de thon est loin. On leur promet des mesures d’accompagnement financier : un repos biologique dont les modalités (eurocompatibles ?) sont à  négocier ; la mise en place d’une pêche sentinelle, où un ou deux palangriers pourraient pêcher pour surveiller l’état des stocks ; mesure illusoire face au TAC zéro.

Au lendemain de Doha, après la série de défaites sur leurs propositions, le mécontentement et la déception des organisations de défense de l’environnement est très sensible. Mais ne faut-il pas voir avec les votes négatifs, un coin enfoncé dans le consensus imposé par elles, comme si l’issue de la conférence ne faisait aucun doute. La gestion d’une ressource qui échappe complètement aux professionnels pourra t elle revenir à  des normes plus proches des réalités sociales et économiques, tenir compte de ce qui se passe en mer… ?

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