Thon rouge : de la thonaille à  la canne, bilan négatif pour les artisans et l’environnement

Avec l’interdiction de la thonaille, nous nous sommes reconvertis à  la canne. Nous avons 8 cannes à  bord et pêchons à  la traîne, à  une vitesse de 8 nœuds. Chaque poisson est remonté à  bord au fur et à  mesure de sa capture. Nous avons perdu 50% de nos captures et de notre chiffre d’affaire par rapport à  la thonaille. Déjà , nous ne prenons plus les prises accessoires : espadon, grande castagnole. Quant au germon, il a disparu avec l’augmentation du thon rouge. Nous pouvons, en principe, travailler 3 à  4 mois. L’été dernier, nous avons bien pêché en juillet. Au mois d’aoà’t, il y avait mauvais temps. En septembre, notre quota était épuisé. Pour être rentable, il nous faudrait un quota de 10 tonnes par bateau (bateau de moins de 12m, 2 à  3 hommes à  bord). Une tonne de poissons, cela paie tout juste le gas-oil.

Avec la thonaille, on travaillait d’avril-mai à  octobre. On était un peu plus limité par le mauvais temps et la lune mais les captures étaient plus importantes : de 20-30 à  parfois 100 poissons dont des espadons et des grandes castagnoles, avec des filets de 2500 m. C’était suffisant, et bien diversifié, pour le marché local. La moitié se vendait à  quai et le surplus aux mareyeurs. A la canne, on prend en moyenne 20 poissons et uniquement du thon. Il doit rester 9 bateaux à  faire ce métier, dans le Var et les Alpes-Maritimes.

Les débarquements sont très contraignants et sans fondement pour la pêche artisanale vendue à  quai. Il faut appeler les gendarmes 4h avant, que ce soit des jours ouvrables Ils savent bien qu’à  la ligne, on ne prend qu’une vingtaine de poissons. Nos captures sont équivalentes à  celles de la pêche récréative. Les plaisanciers ont droit à  un poisson de 30 kg par jour mais comme il y a 1000 bateaux et qu’ils sont peu contrôlés

Certains patrons ont du licencier leur matelot. Pour conserver mes deux matelots, j’ai du reporter mon activité sur d’autres espèces côtières qui sont déjà  bien exploitées (merlu, dorade rose, sabre, soupe, rouget, langouste) alors que le poisson le plus abondant et le plus facile à  pêcher et à  valoriser, est le thon. Je suis obligé d’avoir trois fois plus de matériel et de travailler beaucoup plus pour compenser avec les autres métiers (trémails à  langoustes, filets maillants à  merlus, battudes, palangres de fond et palangres fins, trémails à  rougets, soupe et rascasses, tautenière ou calamarette, escombrière). Pour nous comme pour la gestion environnementale, c’est un mauvais choix. Nos captures sont dérisoires par rapport au stock de thon rouge, et nous avons montré que l’impact de la thonaille sur les mammifères marins était négligeable.

Voir aussi :

– Thon rouge, espadon, dorade rose : pour une réglementation qui colle au terrain

– Thon rouge : la voix des pêcheurs artisans

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