Slow Fish, je kiffe ! un atelier du goà’t sur les poissons « oubliés » du Var

Dans le grand hall des expositions de Gênes, conjuguée à  toutes les sauces, la petite pêche artisanale tient le pavé. Ses mirifiques espèces, fraîchement débarquées, sitôt vendues, découpées dans l’art japonais des sushis, ou préparés avec soin par de grands chefs, prennent leurs lettres de noblesse.

Sur les stands et dans les restaurants, point de saumon d’élevage ou de produits de la mer importés, désormais l’on se penche avec attention sur les variétés oubliées de nos proches rivages.

Au rez de chaussée, cuisines professionnelles et salles à  manger sont aménagées pour les ateliers de dégustation. Les chefs se côtoient et se succèdent, admirablement secondés par des élèves de l’école hôtelière: sévereau (ou chinchard), vive, bogue, ombrine, sardine, anchois, truite fumée… font leur entrée gastronomique et la magie slow-foodienne s’opère. Une assemblée hétéroclite unissant restaurateurs, chefs cuisiniers ou simples consommateurs vont, avec légèreté et plaisir, découvrir, le temps d’un repas-conférence, le monde de la pêche, de ses produits et de leur préparation culinaire.

– L’univers de la petite pêche varoise et sa culture prud’homale

Confortablement installés devant une projection de photos, les convives vont entrer dans l’univers des marins, fouisseurs des profondeurs. Relief, courants, vents, saisons, il leur faut conjuguer tous ces paramètres, sans oublier la chance, pour piéger, avec quelques longueurs de mailles, de lignes ou de casiers, des espèces ciblées. « Quand le jardin est petit, il faut bien s’organiser pour permettre à  chacun de vivre de son métier, et pour laisser reposer les fonds et les espèces alternativement. L’objectif pour ces communautés de pêcheurs artisans n’est pas de vider la mer mais d’en bien vivre et d’en laisser à  leurs enfants« . Une culture prud’homale, transmise depuis plusieurs siècles, a permis de préserver échelle et savoir-faire artisans en lien avec les richesses du territoire. Mais politique productiviste, gestion européenne des pêches et mesures généralistes environnementales pourraient avoir raison de cette dynamique si bien rodée, d’où la « Démarche de valorisation des techniques de pêches » initiée par le Comité Local des pêches et les prud’homies du Var.

– Démarche de valorisation des techniques de pêche

« Valoriser des techniques de pêche sélectives qui rapportent des poissons de qualité, tout en préservant l’environnement, tel est l’objectif que nous poursuivons, explique Didier Ranc, Prud’homme de La Seyne sur mer. Il ne s’agit pas de techniques de destruction massive mais plutôt de techniques douces de prélèvement d’une ressource propre et d’excellente qualité. Il nous parait important de faire connaître au grand public, mais aussi aux politiques et aux techniciens européens, nos pratiques professionnelles. : donner une bonne image de notre métier, développer l’idée que la mer est un capital que l’on doit gérer d’une manière pérenne, que l’on n’a aucun intérêt à  la surexploiter et à  accepter que la pêche industrielle la surexploite et la pille. Il nous faut favoriser la transmission de notre savoir-faire aux générations futures afin qu’elles puissent fournir aux populations de la nourriture propre et juste, faire valoir notre attachement à  notre environnement marin, et le préserver durablement.

Nous voulons valoriser le travail des prud’homies de pêche qui, depuis le 13ème siècle ont eu le temps de faire leur preuve. Nous cherchons à  préserver leur autorité qui est menacée par la gestion diamétralement opposée de la Commission Européenne (mise en place de permis de mise en exploitation, licence, permis de pêche spécial, quota, et peut-être quota individuel transmissible) dont la finalité est de privatiser la Mer et non de protéger les ressources marines et la petite pêche côtière.

Cette Démarche Qualité a vu le jour en 2004 sur les recommandations de contrôleurs européens venus nous visiter. 7 groupes de travail ont été constitués, un par technique. Un guide de bonnes pratiques a été rédigé et comprend des éléments communs et spécifiques à  chaque technique. Les pêcheurs y ont décrit leur activité point par point et ces éléments ont été classés et distingués en critères obligatoires ou recommandés. En 2007, suite à  la rencontre de plusieurs organismes certificateurs, le Bureau Veritas a été retenu. Nous avons créé un cahier des charges, un manuel qualité, ainsi que des outils de communication pour les adhérents (logo, fanion, tee-shirt, étiquettes…). En 2009, début des audits des pêcheurs par le Bureau Veritas. 2011 : fin des audits et attente de l’attestation de reconnaissance prévue pour juillet 2011. Aujourd’hui, une trentaine de pêcheurs varois sont engagés et ce chiffre est en constante progression.

En conclusion, nous souhaitons être représentés et être défendus auprès des plus hautes instances de l’Etat et de la Commission Européenne, pérenniser nos métiers, les transmettre aux plus jeunes afin de préserver l’apport d’une nourriture saine et fraîche au profit des générations futures. »

– Des producteurs au restaurateur : un lien direct, source de créativité

Benjamin Lagorce, restaurateur au « Pied de nez » (Le Castellet – 83) achète ses produits directement aux producteurs et pêcheurs, si possible des producteurs locaux.  » Travailler des produits locaux, de saison et de qualité, cela demande certes un peu plus de temps et de travail. Nous proposons un menu à  l’ardoise, en fonction des apports du marché, Cela suppose de changer de plats tous les jours, de retrouver un certain instinct et de faire preuve de créativité. C’est plaisant ! ‘. Benjamin explique les plats préparés par son chef, Laurent Manson, pour mettre en valeur le sévereau tout en valorisant des produits locaux tels que le petit épeautre (sentinelle Slow Food), la spiruline, l’huile d’olive, les câpres, le pèbre d’ail… Tout au long de la dégustation, les orateurs donneront des détails sur les différents produits et répondront aux questions du public.

Menu

Tartare de sévereau aux herbes et câpres, chantilly de spiruline et crackers de petit épeautre au pèbre d’ail.

Filet de sévereau en crumble de noisettes, risotto de petit épeautre de Haute Provence et crémeux de courgettes à  la spiruline

Ganache de chocolat noir à  la gelée de spiruline

Pain de farine petit épeautre du haut-Var cuit au feu de bois et de deux huiles d’olives différentes : Mono-variètale du Domaine de Sans Regret de la variété Tanche et Domaine de La Suffrène, huile assez épaisse,  très onctueuse, typé «fruité noir ‘, {Assemblage d’Aglando (25%), de Brun (15%), de Caillon (25%), de Saloninque (10%), les 25% restants étant composés de Tanche, Bouteillan, Grossane, Picholine, Cailletier et Lucques}.

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Site internet de Slow Food :Slow Fish 2011: La France protagoniste au salon de la pêche durable et la consommation responsable

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