Plate-forme de la pêche artisanale française

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5 décennies de productivisme forcené ont conduit à  des mesures et des décisions politiques largement favorables à  la pêche industrielle et aux pêches intensives mais inadaptées pour la petite pêche artisanale. Une plate-forme tend à  réunir les pêcheurs artisans, très largement majoritaires en France et en Europe, afin qu’ils puissent se faire entendre des élus et des décideurs politiques. Le message circule chez ces professionnels et cette nouvelle organisation compte déjà  plus de 500 adhérents sur les 3 façades.

Dans le mouvement ségrégationniste européen qui tend à  privatiser les mers et les océans, avec un partages des ressources au profit des gros armements et une prétendue protection des petites pêches artisanales, cette tentative de regroupement des pêcheurs artisans est parfois mal interprétée. Et ce, d’autant plus qu’elle a le soutien d’ONG environnementalistes dont les logiques financières et médiatiques sont parfois  éloignées des réalités des écosystèmes et des artisans qui en vivent.

Il faudra bien pourtant que la société civile soutienne la pêche artisanale, la seule qui soit réellement durable. Ne pas le faire reviendrait de facto à  soutenir pêche et aquaculture industrielles…

Quelques points d’évidence qui remettront peut-être quelques compas à  l’unisson :

– Tant que la politique européenne gère la pêche en tant que « secteur industriel », ne sont pas prises en compte les pêches artisanales reliées à  des territoires spécifiques.
Que le plateau continental fasse 500 km de large (comme au large de Brest) ou 5 km (aux environs de Toulon), il est évident qu’il engendre des pêches différentes, et partant des gestions spécifiques. L’agriculture de montagne ne s’exploite pas et ne se gère pas comme dans la Beauce. Bateau de plus ou moins 12 m de long, engin trainant ou fixe… cela dépend évidemment des zones de pêche, de leur configuration géologique, des conditions météo… C’est une évidence que nos décideurs européens ont du mal à  entendre. Ils préfèrent, de façon stratégique, orienter les débats sur le choix de critères et de seuils stricts et universels, de façon à  noyer le poisson et diviser la profession…

– Tant que la politique européenne gère la pêche par technique, et/ou par espèce cible, elle lamine la pêche la plus petite qui soit (telles que les petites pêches méditerranéennes par exemple). Grâce à  leur polyvalence, ces pêcheurs ciblent, avec des techniques sélectives, les concentrations saisonnières de poissons en zone côtière. Cela leur permet de laisser reposer alternativement des zones et des espèces, de s’adapter à  la demande, et de tabler sur le savoir-faire plutôt que sur l’intensification des techniques de pêche.

  1. Le thon, l’espèce la plus abondante depuis 4 ans et la plus « rentable », est devenue une chasse quasi-gardée de quelques industriels. Le peu de quotas alloués aux artisans est réservé à  ceux qui pratiquaient déjà  la thonaille et qui se sont reconvertis à  la ligne ou à  la palangre. Court le bruit qu’ils devraient choisir entre ligne et palangre ! Quand le thon ne mange pas à  la palangre, il est possible de sauver la calée avec quelques prises tirées sportivement à  la ligne. Faudra t-il imposer aux bouchers de ne vendre que du veau ou du boeuf ?
  2. A la suite de la thonaille, les autres filets dérivants, considérés de tout temps par les prud’hommes comme les moins impactant car ne touchant pas le fond, seraient à  leur tour dans l’œil du cyclone… des fois qu’un filet à  maquereau prendrait un thon ou un dauphin, voire une sirène…
  3. Mis sur la sellette depuis des années les ganguis mais aussi les petits ganguis (de petites dragues) et les sennes de plage (un métier plus que millénaire puisque le filet est tiré à  bras)…
  4. Il paraitrait aussi que les bateaux de petite taille ne devraient pas s’éloigner à  plus de 5 milles de leur port d’attache (plutôt que d’un abri)… une mesure qui peut être tout à  fait contraire à  la sécurité, et qui est complètement opposée à  une gestion écologique des territoires…

Alors, si par cette nouvelle plate-forme les pêcheurs artisans essaient de préserver leur avenir, ce ne que fait pas l’Europe malgré les discours affichés, nous ne pouvons que saluer sa création et la soutenir dans ses actions.

Rajoutons que, toujours en situation de se défendre de mesures injustes et inadaptés, ces pêcheurs artisans ont rarement l’occasion d’expliquer leur difficultés liées notamment au changement climatique. Depuis 4 ans les conditions météo sont de plus en plus difficiles avec des régimes successifs de vents forts, sans plus d’accalmies entre les séries. Le nombre de sorties baisse drastiquement, et de façon croissante, d’année en année. L’hiver, mais également le printemps, ont été terribles pour les pêcheurs travaillant dans des baies exposées. Cette diminution des journées travaillées représente une baisse importante de l’effort de pêche, non prise en compte par les gestionnaires qui continuent par ailleurs d’imaginer des mesures hors de propos. Il devient essentiel d’en prendre compte et de soutenir, par ailleurs, les artisans dans leur baisse de rentabilité.

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Texte introductif de la plate-forme :

« A travers l’adhésion de l’Association des ligneurs de la pointe de Bretagne, du Syndicat Professionnel des Pêcheurs Petits Métiers du Languedoc Roussillon et d’autres pêcheurs artisans nous représentons déjà  près de 500 adhérents des façades Méditerranéenne et Atlantique. Avec cette plateforme, nous souhaitons rassembler les professionnels soucieux de la sauvegarde de cette catégorie de la flotte française souvent mise de côté.

Nous sommes les plus nombreux, mais le dispersement sur le territoire et le manque de temps à  terre ont rendu difficile par le passé l’émergence d’un mouvement collectif afin de préserver et défendre nos entreprises. Aujourd’hui c’est chose faite.

Vous trouverez notre déclaration qui présente la philosophie de cette plateforme dont les principaux objectifs sont de créer du lien entre nous, pêcheurs artisans de France métropolitaine et des territoires d’outre-mer, et de pouvoir bénéficier d’une représentation au niveau national et européen, pour que nos spécificités soient prises en compte dans les lieux où se prennent les vraies décisions.

Nos revendications sont simples, nous souhaitons :

– un « droit de pêcher ‘ avec un partage équitable des quotas et la prise en compte de notre nécessaire polyvalence
– la priorité d’accès aux ressources de la bande côtière
– la simplification des procédures administratives pour la petite pêche artisanale
– un accompagnement financier européen pour que les acteurs de la petite pêche artisanale puissent être représentés
– la mise en œuvre d’un signe de reconnaissance officiel d’attestation de spécificité traditionnelle. »

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