Boycott par l’Union Européenne : pas de place pour les pêcheurs artisans du Sri Lanka…

sri lankaLe 14 octobre dernier, l’Union Européenne, a annoncé le boycott des produits de la mer du Sri Lanka, à  compter du 15 janvier 2015. L’UE considère que le Sri Lanka n’a pas coopéré pour éliminer la pêche illégale (INN), suite notamment à  la découverte de bateaux battant pavillon sri lankais dans la ZEE de Diego Garcia, un territoire britannique de l’Océan Indien[1].

Déjà , l’allocation de licences à  des bateaux de pêche, assez grands, d’Asie de l’Est[2] est critiquable : ces sociétés conjointes sont liées à  des objectifs très ambitieux d’augmentation des captures, inspirés par le modèle de croissance rapide du Sri Lanka d’après-guerre. Mais, en plus, ces bateaux étrangers sous pavillon sri lankais,  repérés en pêche illégale les eaux de Diego Garcia, engendrent un boycott néfaste pour les pêcheurs artisans du Sri Lanka  car 70% des exportations de produits de la mer du Sri Lanka sont à  destination des marchés européens. La pêche hauturière de ces artisans du Sri Lanka est célèbre dans le monde entier pour déployer ses bateaux de 10-16 mètres, assez petits, chargés de glace, d’eau et de vivres pour des marées de plusieurs semaines et des traversées de plusieurs milliers de kilomètres dans l’Océan Indien, à  la recherche de thons et de requins.

Le 20 octobre, des centaines de pêcheurs artisans sri lankais ont manifesté, devant le Ministère des pêches à  Colombo, contre le boycott des produits de la mer exportés par le Sri Lanka vers l’UE et contre la promotion de sociétés conjointes avec des armements de pêche du S-E asiatique. Ces mesures s’ajoutent aux fréquentes incursions des chalutiers indiens dans le nord du Sri Lanka et les pêcheurs craignent pour leur avenir.

L’on peut se demander si ce boycott de l’UE ne serait pas plutôt motivé par des conflits d’intérêts. D’après la base de données de la Commission thonière de l’Océan Indien, en 2013, 2230 bateaux du Sri Lanka capturaient 10% des thons pêchés dans l’Océan Indien tandis que 81 bateaux industriels européens (ayant chacun en moyenne 50 fois la capacité d’un bateau sri lankais) en capturaient 16%… Il est à  noter que la contribution de cette flotte européenne à  l’emploi et à  la sécurité alimentaire est non seulement nulle pour les populations de l’Océan Indien mais elle est aussi marginale pour les Européens eux-mêmes.

Comment les flottes européennes sont-elles arrivées dans l’Océan Indien ? Et comment l’UE peut-elle sanctionner le Sri Lanka parce qu’il pêche près de Diego Garcia ? Suite à  la Convention de 1982 sur le droit de la Mer (3), des droits exclusifs d’exploitation des ressources ont été accordés à  des pays européens occupant des îles coloniales stratégiques. Ainsi, en 1982, le Royaume-Uni a obtenu des droits exclusifs d’exploitation sur une zone de 6390000 km2 autour de Diego Garcia, un archipel désert utilisé par une base américaine. Depuis lors, les pêcheurs indiens et sri lankais sont considérés dans ces eaux comme des pirates, et sont sujets aux sanctions de l’UE. Au Sri Lanka, fonctionnaires et pêcheurs se sont demandés pourquoi l’UE n’avait pas appliqué les mêmes sanctions contre la pêche illégale intensive du Tamil Nadu (chalutage indien) dans les eaux du Sri Lanka.

Il est certain que la pêche nécessite une réglementation. Cependant, actuellement, la loi internationale, la gestion basée sur la science, les considérations de souveraineté et les territoires ainsi que les visions grandioses de développement déterminent de plus en plus les politiques des pêches. Les intérêts des pêcheurs sont ignorés dans le grand jeu des intérêts des Etats

Les incursions des chalutiers indiens, les sociétés conjointes sri lankaises avec des bateaux d’Asie de l’Est et le boycott de l’UE ont le même impact. Les pêcheurs artisans sont bloqués, impuissants face aux décisions prises au niveau des Etats et des forums internationaux

Alain Le Sann

D’après un article du quotidien « The Hindu ‘ de Chennai (Madras) publié, le 4 novembre 2014 : un article de Joeri Scholtens et Ahilan Kadirgamar sur la grave crise que subissent les pêcheurs du Sri Lanka. cité par ICSFDC Daily News Alert, du 4 Novembre.

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[1] L’ensemble de la ZEE des îles Chagos, dont fait partie Diego Garcia, a été déclaré réserve intégrale interdite à  toute pêche par le gouvernement britannique, à  la demande de la Fondation américaine Pew et ce contre la volonté de certains des anciens habitants qui réclament le droit de retourner sur l’île. (NdT)

[2] En 2013, le Sri Lanka a négocié avec une société japonaise l’entrée de 4 bateaux et a prévu celle de 26 bateaux chinois. En 2013, 9 bateaux étrangers ont pêché sous pavillon sri lankais.

(3) Un traité qui ajoute aux  eaux territoriales une extension à  200 milles, appelée ZEE ou zone économique exclusive.

http://fis.com/fis/worldnews/worldnews.asp?l=s&id=60943&ndb=1 (NdT)

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