Boues rouges : rapport de l’agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail ANSES

ansesLire le rapport : rapport ANSES BRGM avril 2015

Quelques extraits :

Informations générales concernant l’usine de Gardanne et les rejets en mer (page 5)

« L’usine de Gardanne a été fondée en 1894 et produit de l’alumine (oxyde d’aluminium) à  partir de minerai de bauxite grâce au procédé « Bayer ‘. Si, à  l’origine, la bauxite provenait de mines de la région, depuis les années 1980 de la bauxite de Guinée a été progressivement traitée et depuis 1998, l’usine ne consomme plus que de la bauxite de Guinée (mine de Boké).
Le procédé « Bayer ‘ génère des résidus solides et des effluents liquides qui depuis 1966, sont rejetés en mer à  7,7 km de la côte au large de Cassis et à  320 m de profondeur, dans le canyon de Cassidaigne, par une canalisation. Aucune évaluation de l’état initial de la qualité des eaux marines dans l’environnement du point de rejet n’a été réalisée à  l’origine.
En 1996, dans le cadre du respect de la convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée, l’exploitant du site de Gardanne a pris l’engagement de diminuer progressivement les quantités de rejets solides en mer pour y mettre un terme le 31 décembre 2015. Cet engagement a été transcrit dans un arrêté préfectoral du 1er juillet 1996.
Par ailleurs, le 18 avril 2012 le décret n°2012-507 a autorisé la création du parc national des Calanques. Le rejet s’effectue au niveau du « coeur du parc ‘.
La masse d’eau marine « Cap Croisette  » Bec de l’Aigle ‘, dans laquelle se situe le point de rejet, est considérée selon le référentiel de la Directive cadre Eau (Directive 2000/60/CE) en « état écologique moyen ‘ et en « bon état chimique ‘. Les masses d’eaux adjacentes situées plus à  l’Ouest présentent des états plus dégradés (masses d’eaux du sud de la Rade de Marseille), tandis qu’à  l’Est les masses d’eaux sont classées en « bon état ‘.
Concernant les activités humaines, la zone marine est le lieu d’activités de loisirs (baignade, plongée sous-marine, plaisance, loisirs nautiques), de pêche artisanale côtière et de pêche professionnelle détaillées dans l’annexe 2. Au niveau du canyon de la Cassidaigne, la pêche est pratiquée à  l’aide de palangres et de filets maillants, les zones de pêche étant situées sur la tête et le flanc du canyon, entre 130 et 350 m de profondeur. Le site de plongée sous-marine le plus proche du point de rejet est le sec de la Cassidaigne qui se situe à  3,6 km du point de rejet.
L’émission de l’effluent futur se fera avec un débit identique à  celui de l’effluent actuel (270 m3/h), condition jugée indispensable, par l’exploitant, à  la préservation de la canalisation. Un pompage d’eau brute dans le canal de Provence sera effectué si nécessaire pour compléter le débit des eaux excédentaires de l’usine. Sa charge en matières en suspension (MES) sera beaucoup plus faible que celle de l’effluent actuel (35 mg/L contre 120 000 mg/L actuellement), impliquant une baisse de sa densité (1008 kg/m3 au lieu de 1080 kg/m3) qui sera inférieure à  celle de l’eau de mer (1027 kg/m3). Le flux maximum journalier de MES passerait de 777 tonnes à  227 kg.
Les caractéristiques physico-chimiques du rejet actuel, telles que présentées dans le dossier de l’exploitant (et en particulier la composition en contaminants) correspondent à  des concentrations maximales constatées dans des prélèvements réalisés lors de 3 campagnes. Pour l’effluent futur, ces concentrations ont été estimées sur la base d’analyses d’échantillons reconstitués. En effet, les installations de traitement n’étant pas construites, les échantillons ont été reconstitués avec des prélèvements de différents effluents actuels dans l’usine qui constitueront l’effluent futur. Ainsi, trois échantillons composites ont fait l’objet d’analyses.
à€ sa sortie de la canalisation, l’effluent réagit avec l’eau de mer et génère des précipités d’hydrotalcite qui sont considérés comme pouvant piéger les métaux dissous. La quantité annuelle d’hydrotalcites formée est estimée par l’exploitant à  27 000 tonnes dont 18 000 t provenant de la phase liquide du rejet et 9 000 t apportés par l’eau de mer. Selon l’exploitant, le futur rejet n’entraînerait pas de changement quant à  la formation de ces hydrotalcites.
Après près de 50 ans de rejets, le dépôt s’étend jusqu’à  2 300 m de profondeur au niveau du canyon de la Cassidaigne et jusqu’à  65 km environ des côtes au droit du rejet. à€ l’Ouest, au niveau du talus continental, le dépôt s’étend jusqu’au niveau de Fos-sur-Mer. à€ l’Est, il s’étend de la plaine abyssale jusqu’à  la hauteur de la rade de Toulon. L’épaisseur du dépôt est d’environ 50 cm à  25 km au droit du rejet et de 10 cm à  60 km. Selon les estimations de l’exploitant, 20 millions de tonnes de résidus de bauxite ont été rejetés en mer par l’usine de Gardanne depuis 1966. »

Liste des contaminants issus de la bauxite recherchés par l’exploitant (Page6)
« La liste des contaminants recherchées par l’exploitant dans l’effluent actuel comporte, entre autres, 26 éléments traces métalliques, 16 hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), 7 polychlorobiphényles (PCB), 7 dioxines et 10 furannes, 1 composé phénolique, 6 composés benzéniques, 1 phtalate, 4 alkylphénols, 2 polybromodiphényléthers (PBDE), 3 organoétains… »

panacheP.14 : « L’Anses, à  l’issu de ce travail approfondi de collecte et de traitement des données n’est pas en mesure de conclure avec précision sur l’impact du rejet en termes de contamination des poissons en raison (…)  de lacunes potentielles dans la définition de la zone d’impact, du faible nombre de poissosn prélevées pour chaque espèce…, de l’absence de données pour les métaux caractéristiques du rejet d’Altéo, à  savoir l’aluminium, le vanadium et le titane…, de faible nombre d’espèces prélevées dans les études de l’exploitant. En effet, les céphalopodes et les oursins n’ont pas été recherchés par l’exploitant alors que ce sont des espèces couramment pêchées en méditerranée…

Par ailleurs, les niveaux moyens de contamination en mercure et en plomb des poissons prélevés en Méditerranée sont significativement supérieurs à  ceux prélevés en Manche-Atlantique. »

P.18 : Arsenic : « Les expositions estimées par Alteo sont inférieures aux estimations de l’Anses (adultes et enfants). Pour la population générale adulte, les estimations de l’Anses sont 76 et 94 fois plus élevées que celles d’Alteo en considérant le seul apport lié à  la consommation de poissons… Pour les enfants, les estimations de l’Anses sont 29 à  57 fois plus élevées que celles d’Alteo. Enfin, pour les forts consommateurs de produits de la mer, les estimations de l’Anses sont 689 et 1113 fois plus élevées que celles d’Alteo.

P.19 Mercure total : « L’exposition estimée par Alteo est inférieure à  celle estimée par l’Anses pour les forts consommateurs de produits de la mer. Dans ce cas, les estimations de l’Anses sont 7 fois plus élevées que celles d’Alteo en considérant le seul apport liés à  la consommation de poissons. »

P 20 : Plomb : « L’exposition estimée par Alteo est inférieure à  celle estimée pour la population générale et pour les forts consommateurs de produits de la mer. Pour la population générale adulte, les estimations de l’Anses sont 15 fois plus élevées que celles d’Alteo en considérant le seul apport lié à  la consommation de poissons… Les estimations de l’Anses sont, pour les enfants, 9 à  174 fois plus élevées que celles d’Alteo, et pour les forts consommateurs de produits de la mer, 135 à  416 fois plus élevées que celles d’Altéo. »

P.24 : « Les estimations de l’exposition alimentaire réalisées par l’Anses pour l’arsenic, le mercure et le plomb sont plus élevées que celles présentées dans le rapport d’Alteo, dans des rapports allant de 10 à  1000…. Selon la méthodologie employée par l’Anses, des dépassements de valeur toxicologique de référence sont constatés pour les expositions moyennes à  l’arsenic, au chrome, au mercure, et aux dioxines/furanes/PCB-DL… »

L’Anses dans le cadre de cette expertise constate :
– que les niveaux moyens de contamination en mercure et en plomb des poissons prélevés en méditerranée sont significativement supérieurs à  ceux prélevés en Manche-Atlantique,- des dépassements de valeurs toxicologiques de référence pour l’arsenic, le chrome, le mercure et les dioxines/furanes/PCB-DL pour les estimations de l’exposition alimentaire moyennes avec les données de consommation représentatives de la zone méditerranéenne. Ces dépassements résultent de l’apport cumulé des poissons et autres aliments, les poissons pouvant être les plus forts contributeurs pour le mercure, l’arsenic et les dioxines/furanes/PCB-DL. »

P.37 « L’Anses insiste cependant sur la nécessité de réaliser un suivi analytique renforcé de la qualité des eaux de baignade dans la zone de dispersion de l’effluent futur. Les cartes de dilution montrant que le rejet peut se disperser jusqu’à  Porquerolles, il est indispensable d’inclure les zones côtières et littorales de Fos à  Porquerolles dans les futures études et les suivis analytiques qui seront réalisés.

P.38 « Concernant l’exposition liée à  l’ingestion d’eau de baignade, celle-ci a été calculée par l’exploitant en s’appuyant sur des hypothèses multiples notamment concernant la composition de l’effluent et le taux de dilution appliqué.
L’Anses, après une analyse approfondie, estime quant à  elle que les incertitudes sont trop nombreuses et ne permettent pas de mener une évaluation quantitative de l’exposition liée à  cet usage sur la base des données fournies par l’exploitant.
De manière générale, l’Anses considère que plusieurs paramètres devraient être mieux investigués comme la modélisation du panache, la caractérisation de la zone d’impact, le piégeage des métaux par les hydrotalcites. A ce titre, l’Anses émet plus particulièrement des réserves sur la composition du futur rejet telle que présentée dans le dossier. En effet, la détermination de ce paramètre essentiel ne repose que sur un faible nombre d’échantillons reconstitués dans des conditions artificielles. »

P. 39 « A l’issue de son expertise, l’Anses recommande : … de réaliser de nouvelles campagnes de pêche (…) afin de mieux objectiver les risques sanitaires pour l’Homme : il convient de s’intéresser à  l’ensemble des espèces susceptibles d’être consommées, non seulement des poissons (sentinelles ou non) mais aussi d’autres espèces marines (céphalopodes, oursins) au niveau de la zone d’étude rapprochée, de la zone d’étude élargie et plus largement au niveau de la zone de pêche méditerranéenne afin d’être en mesure de réaliser une évaluation des risques sanitaires pour le consommateur plus précise et plus réaliste et de proposer, le cas échéant, des recommandations de consommation…, d’étudier le devenir des rejets de boues rouges en termes d’érodabilité et de recolonisation du milieu, en tenant compte notamment de l’évolution à  venir de la nature du rejet.

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